Le projet de loi de finances pour 2024, présenté au Conseil des ministres du 27 septembre 2023 par Bruno Le Maire, ministre de l’Économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, et par Thomas Cazenave, ministre délégué chargé des comptes publics, est en cours d’examen au Parlement.
Des mesures présentées comme en faveur du pouvoir d’achat des Français et de la transition énergétique
Marqué par la lutte contre l’inflation et la baisse du déficit public dans un contexte tendu sur le plan international et la remontée des taux d’intérêt, il comprend de nombreuses mesures à destination des particuliers, de l’emploi et des entreprises. Certaines mesures portent spécifiquement sur la transition écologique.
À ce titre, 40 milliards d’euros de crédits à la transition écologique sont prévus.
Cette enveloppe se décompose en direction de différents secteurs : automobile, agriculture, protection des forêts, préservation de la biodiversité et des plans d’eau, renforcement du fonds d’accélération de la transition écologique des territoires, soutien à l’hydrogène et au biométhane, rénovation de logements et de bâtiments privés comme de l’État (notamment avec l’enveloppe destinée à MaPrimeRénov »).
Un probable cadeau de Noël empoisonné au pied du sapin de 40% des Français
Mais le diable se cache dans les détails. Tandis que le Gouvernement assure s’inquiéter du pouvoir d’achat des Français, l’alinéa 6 de l’article 11 du projet de loi comporte un joli cadeau de Noël pour les foyers consommant du gaz naturel : « le tarif normal peut être majoré par arrêté du ministre chargé du budget, sans pouvoir excéder 16,37 € par mégawattheure (MWh). L’arrêté est pris au plus tard le 31 décembre 2023. »
Dans le texte ainsi présenté au Parlement, le Gouvernement a prévu une disposition l’autorisant, par simple arrêté et sans passer par la loi, à relever les impôts sur le gaz, autrement appelés tarifs normaux d’accises des gaz naturels.
Pour information, l’accise sur les gaz naturels a évolué durant ces dernières années. Elle était à 8,41 euros du MWh en 2022 et depuis le 1er janvier 2023, elle est passée à 8,37 euros du MWh.
Cette disposition est triplement problématique.
Premièrement, elle n’indique pas le tarif que le Gouvernement compte retenir. Deuxièmement, aucune recette afférente n’était inscrite pour 2024. Or, dans le cadre de l’élaboration du projet de loi de finances, les prévisions de recettes donnent lieu à des analyses ligne par ligne. Ainsi, avant le vote définitif de la partie « recettes » du projet de loi devant le Sénat — qui a obligé à révéler le pot aux roses — il était impossible d’évaluer le montant de la recette (et donc de l’accise) à envisager.
Dernièrement, elle va à l’encontre du discours tenu par la majorité, indiquant vouloir protéger le pouvoir d’achat des Français.
Montant probable de cette possibilité laissée au Gouvernement portant sur le tarif du gaz naturel : 1,9 milliard d’euros.
Les Français qui peinent à finir les fins de mois et à se chauffer seront ravis.
Si une telle hausse de la fiscalité est appliquée aux gaz, le Gouvernement n’aura plus besoin d’interdire l’installation de chaudière au gaz. Les 11 millions de foyers équipés d’un tel système (pour le chauffage ou l’eau chaude), soit environ 40 % des Français, vont finir par être contraints de couper leur consommation et ainsi, de plonger un peu plus profondément dans la précarité énergétique.
Dans le cadre de la RE 2020 (réglementation environnementale), depuis le 1ᵉʳ janvier 2022, il est interdit d’installer dans des logements individuels neufs des chaudières au gaz. Depuis le 1er janvier 2023, MaPrimeRénov’ ne prend plus en charge l’installation de chaudière individuelle au gaz, tous comme les certificats d’économies d’énergie (CEE) à partir du 1er janvier 2024. En revanche, les aides pour l’installation de pompe à chaleur sont maintenues, tout comme le coup de pouce chauffage, ce qui permet de déposer une chaudière au gaz, au fioul et au charbon.
Autrement présenté, les 11 millions de Français ont tout intérêt à passer au plus vite à la pompe à chaleur.
L’exposé des motifs explique que, hors mécanisme exceptionnel, le tarif normal d’accise sur le gaz naturel est en effet près de quatre fois inférieur à celui applicable à l’électricité, ce qui revient à envoyer un signal contraire à l’atteinte de nos objectifs climatiques. Le Ministre a fait valoir en outre, concernant l’imprécision de l’alinéa, le « besoin de flexibilité […] en fonction du prix du gaz, pour faire évoluer l’accise ».
Au nom de la justice sociale, le Sénat a supprimé par amendement cette faculté octroyée au Gouvernement afin de protéger les consommateurs d’une hausse trop importante de la fiscalité sur le gaz. Le 30 novembre 2023, le Sénat a adopté, avec modifications, le volet recettes du PLF 2024 en première lecture.
L’examen du volet dépenses se poursuit jusqu’au 12 décembre 2023.
Ainsi, à l’heure où le Président de la République promet une baisse de fiscalité de 2 milliards d’euros pour les ménages français d’ici à la fin du quinquennat, c’est en réalité une hausse équivalente que le Gouvernement prépare pour 2024 s’il rétablit à l’Assemblée nationale, par l’usage de l’article 49 alinéa 3 de la Constitution, la disposition supprimée par le Sénat.
Si le syndicat Symbiote est favorable à une transition vers une économie bas-carbone, circulaire et durable, afin d’atteindre la plus que nécessaire neutralité carbone en 2050, il fustige le double discours tenu par le Gouvernement qui prétend vouloir protéger le portefeuille des Français et l’accroissement significatif de la fiscalité sur le gaz qui va peser sur presque de la moitié des foyers de France, en multipliant quasiment par deux l’accise sur les gaz naturels.