Présenté au Conseil des ministres le 12 décembre 2023 par le Ministre de la Transition écologique et de la cohésion des territoires, Christophe Béchu, et le Ministre délégué chargé du Logement, Patrice Vergriete, le projet de loi relatif à l’accélération et à la simplification de la rénovation de l’habitat dégradé et des grandes opérations d’aménagement s’inscrit dans la continuité de la politique publique de rénovation énergétique en France.
Un parc de logements dégradés
Le projet de loi vise à :
- moderniser les outils à la main des collectivités et des opérateurs pour permettre une intervention le plus en amont possible ;
- simplifier les procédures judiciaires et administratives ;
- faciliter les opérations stratégiques et d’ampleur pour la réalisation ou la rénovation de logements.
Il fait suite au plan « Initiatives copropriétés » lancé en 2018 et plus singulièrement au rapport pour lutter contre l’habitat indigne des maires Mathieu Hanotin et Michèle Lutz remis fin octobre au Ministre délégué au logement Patrice Vergriete.
Depuis les années 80 les copropriétés rencontrent des difficultés de façon croissante de sorte qu’elles sont devenues un sujet de préoccupation majeure des politiques de l’habitat.
Les immeubles en copropriété se dégradent : mauvaise gestion du syndicat, fin de cycle technique des immeubles qui nécessitent des réinvestissements, faiblesses des performances thermiques du parc alors que les Français font face à une hausse des prix de l’énergie, paupérisation des propriétaires occupants (personnes âgées ou primo-accédants modestes) qui ne peuvent réinvestir dans le bâtiment pour le maintenir en état ou le mettre à niveau.
Pour mémoire, en France et en 2022, le secteur résidentiel représentait 38 % de la consommation finale d’électricité, devant le tertiaire (32 %) et l’industrie (26 %), et 31 % de la consommation finale énergétique de gaz naturel, devant l’industrie (24 %), la production d’électricité et de chaleur (24 %) et le tertiaire (17 %). Sur presque de 38 millions de logements, 11,8 le sont en copropriété.
Enfin, comme le précise l’étude d’impact, le parc des logements en copropriété vieillit : « 24,8 % a été construit avant 1949 et 51,8 % avant 1974. Au total, les logements en copropriété sont donc majoritairement situés dans des immeubles dont la conception est antérieure à la première réglementation thermique qui date de 1974. » Or, ce sont ces copropriétés vieillissantes qui relèvent pour certaines de l’habitat indigne et comportement bien souvent des passoires thermiques.
Selon une étude l’Agence nationale de l’habitat (ANAH), pour les dix années à venir, il faudrait entre 40 et 70 milliards d’euros — près de 15 000 euros par logement — pour rénover le parc des copropriétés construit entre 1950 et 1980 afin d’améliorer la performance énergétique.
Engagée dans le cadre de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, dite loi ELAN, l’ordonnance n° 2019-1101 du 30 octobre 2019 portant réforme du droit de la copropriété des immeubles bâtis poursuit cet effort de modernisation et d’adaptation du statut de copropriétaire.
L’ensemble des dispositions législatives et réglementaires intègre ainsi de plus en plus les défis de sobriété foncière, d’économie d’énergies et de réduction des émissions de gaz à effet de serre.
En effet, simultanément à cette prise de conscience des enjeux de l’habitat privé dégradé, celui de l’impact environnemental du secteur du bâtiment, et notamment du résidentiel, a émergé. La loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets a ainsi fait de la rénovation énergétique un impératif.
Un emprunt collectif pour les copropriétés
Parmi les mesures comprises dans ce nouveau projet de loi, celle visant à faciliter les travaux de rénovation énergétique par l’obtention d’un prêt collectif pour les copropriétés.
L’objectif est de faciliter la gestion des copropriétés, et notamment la prise de décision afin que les propriétaires puissent mieux entretenir leur bien et répondre aux enjeux de rénovation énergétique.
Le dispositif retenu par le gouvernement tente de répondre à la double nécessité de faciliter la souscription d’un emprunt collectif par les syndicats de copropriétaires pour financer des travaux d’intérêt général régulièrement votés et de sécuriser le financement de ces travaux.
Ainsi celui-ci prévoit-il la possibilité d’un emprunt souscrit au nom du syndicat des copropriétaires pouvant financer exclusivement des travaux d’intérêt général sur des parties communes ou d’intérêt collectif sur des parties privatives.
L’étude d’impact précise que « contrairement au régime hybride de l’emprunt collectif à adhésion individuelle, la mesure proposée ne conduira pas à une analyse des capacités financières des copropriétaires ; seule la situation financière d’ensemble du syndicat des copropriétaires sera examinée. En outre, afin de faciliter la souscription de l’emprunt, il est prévu un vote en assemblée générale des copropriétaires à la même majorité que celle qui s’applique au vote des travaux que l’emprunt servira à financer. »
Concernant la sécurisation des travaux, outre certaines mesures bancaires, le texte prévoit que « dès lors qu’il a été décidé de souscrire à cet emprunt, ce mode de financement est retenu de plein droit pour la contribution de chacun des lots aux charges afférentes aux travaux. Toutefois, tout copropriétaire peut refuser de participer à l’emprunt sous condition ».
Comme l’ont souligné le Ministre et Ministre délégué Christophe Béchu et Patrice Vergriete lors du Conseil des ministres de mercredi du 12 décembre : « Ce projet de loi répond au constat partagé par les acteurs de terrain selon lequel les délais d’élaboration et de mise en œuvre des opérations de rénovation des copropriétés dégradées, de traitement de l’habitat indigne et d’aménagement urbain sont trop longs : entre 5 et 10 ans pour des dispositifs de redressement de copropriétés en difficulté, 20 ans et plus pour la transformation des grands ensembles de copropriétés confrontés à des dysfonctionnements majeurs au sein d’un quartier ou la requalification de quartiers anciens dégradés, de 10 à 15 ans pour une grande opération d’aménagement type »opération d’intérêt national ». »
Impacts socio-économiques
La mise en place d’un nouveau prêt collectif à destination des copropriétés devrait avoir des impacts macroéconomiques.
Bien souvent bloquées pour défaut de financements adéquats, les copropriétés devraient ainsi pouvoir finaliser la construction du plan de financement et donc réaliser les travaux. Ces projets de rénovation énergétique devraient par ailleurs stimuler le secteur du bâtiment.
De plus, ces travaux qualifiés « d’intérêt général » devraient assurer aux habitants un cadre de vie plus sain et une meilleure qualité de vie.
Un prêt s’ajoutant à des aides financières déjà existantes
Ces projets de rénovation sont par ailleurs soutenus par l’ANAH pour les copropriétés éligibles dans le cadre des projets de redressement (opération programmée d’amélioration de l’habitat pour les copropriétés dégradées, Plan de Sauvegarde, Opération de Requalification des Copropriété Dégradées – ORCOD) et des projets d’amélioration énergétique avec MaPrimeRénov’ Copropriété (MPR’ Copropriété).
L’éco-prêt à taux zéro copropriété (éco-ptz copropriété) est également disponible. Il permet de financer les travaux d’économies d’énergie réalisés sur les parties communes et ceux d’intérêt collectif réalisés sur les parties privatives.
Enfin, les certificats d’économies d’énergie (CEE) représentent un excellent moyen pour financer les travaux d’efficacité énergétique : isolation des combles, isolation des murs par l’extérieur, ventilation, changement ou installation de chauffage oi de production d’eau chaude, calorifugeage….
Déposé le 12 décembre sur le Bureau de l’Assemblée nationale, le projet de texte a été renvoyé devant la Commission des affaires économiques le même jour. Son examen est prévu à partir du mardi 16 janvier 2024.