En juillet 2021, la nouvelle loi européenne sur le climat a inscrit les objectifs pour 2030 et 2050 dans la législation de l’Union européenne (UE). Le 15 décembre de la même année, dans le cadre du paquet législatif « Fit for 55 » une proposition législative visant à réviser la directive sur la performance énergétique des bâtiments (DPEB) était adoptée. Les mesures législatives prises s’inscrivent dans la lignée des objectifs et propositions de la Conférence sur l’avenir de l’Europe ayant pour ambition de renforcer l’indépendance énergétique et la durabilité de l’UE.
Deux objectifs sont poursuivis : la réduction massive des émissions de gaz à effet de serre (GES) et la réduction de la consommation d’énergie d’ici 2030, pour qu’en 2050 ces bâtiments soient neutres pour le climat.
Le texte a également deux autres volets : l’un porte sur les passoires énergétiques, afin de procéder à leur rénovation, l’autre sur le partage de données concernant les informations relatives à la performance énergétique.
Décarboner le parc immobilier d’ici 2050
Controversée, la nouvelle directive a été adoptée par les États membres de l’UE vendredi 12 avril. Approuvée par 370 voix (199 contre, 46 abstentions), elle doit désormais être officiellement approuvée par le Conseil pour entrer dans la législation. Elle encourage l’accélération de la rénovation des bâtiments, la construction bas carbone et le recours aux énergies renouvelables. Les États membres devront ensuite la transposer dans leur droit national. Si un délai de deux ans est laissé pour y procéder, au regard des objectifs les États membres ne devront pas perdre de temps. En France, ces objectifs, rappelés par la révision de la directive, sont déjà poursuivis depuis plusieurs années. Quoiqu’il en soit, la directive servira de ligne de conduite à l’UE pour décarbonater son parc immobilier d’ici 2050.
Une fois les objectifs sur le long terme établis, la directive fixe des objectifs concrets : ainsi la consommation d’énergie primaire des bâtiments résidentiels devra baisser d’au moins 16 % d’ici 2030 et d’au moins 22 % d’ici 2035 par États membres. Au moins 55 % de ces gains devront être obtenus grâce à la rénovation des bâtiments les moins performants. Concernant les bâtiments non résidentiels, 16 % des bâtiments les moins performants devront être rénovés par les États membres d’ici 2030, 26 % d’ici 2033.
D’ici 2030, les nouveaux bâtiments résidentiels devront être équipés d’installations solaires lorsque cela est techniquement et économiquement possible. Les bâtiments publics et non résidentiels devront aussi progressivement être équipés d’installations solaires en fonction de leur taille.
Concernant la construction de bâtiments, les nouveaux bâtiments occupés par les autorités publiques ou appartenant à des autorités publiques devront être à zéro émission à partir de 2028, les autres devront l’être à partir de 2030. Pour procéder au calcul, les États membres devront prendre en compte l’ensemble du cycle de vie du bâtiment, en incluant donc la production et l’émission des matériaux utilisés pour sa construction.
Arrêt de mort des chaudières à combustibles fossiles en 2040
l’Union européenne annonce ainsi vouloir mettre un terme à la consommation d’énergies fossiles pour les modes de chauffage et de climatisation. Outre la réduction des émissions de GES, ce choix permet de réduire la dépendance de l’Europe aux énergies fossiles provenant d’autres pays et ainsi à garantir son indépendance énergétique et sa durabilité.
D’ici 2040, la directive confirme donc que les systèmes de chauffage devront ainsi être décarbonés. Par voie de conséquence plus aucune subvention ne sera possible pour les chaudières à combustibles fossiles autonomes à partir de 2025. En revanche, des incitations financières seront dirigées à l’endroit des systèmes de chauffage hybride, comme les systèmes combinés (chaudière et solaire thermique ou pompe à chaleur).
Une exception demeure au principe concernant les bâtiments agricoles et les bâtiments du patrimoine. Les États membres pourront également demander à bénéficier de cette exception concernant les bâtiments protégés pour leur valeur architecturale ou historique particulière, les bâtiments temporaires ainsi que les églises et les lieux de culte. Compte tenu de l’important patrimoine français, il y a fort à parier que de nombreux bâtiments pourront bénéficier de cette dérogation.
Des plans nationaux de rénovation énergétique
La directive révisée contient des mesures visant à améliorer à la fois la planification stratégique des rénovations et les outils permettant de garantir la réalisation effective de ces rénovations. Ainsi chaque États membres doit établir un plan national de rénovation des bâtiments exposant la stratégie nationale de décarbonation du parc immobilier et la manière de lever les obstacles qui subsistent, comme le financement, la formation et la disponibilité de travailleurs dûment qualifiés. La Commission européenne a estimé qu’il faudra 275 milliards d’euros d’investissements par an dans la rénovation des bâtiments d’ici 2030, soit 152 milliards de plus qu’actuellement.
En avril, le Ministre délégué à l’Industrie et à l’énergie, Roland Lescure, a entériné l’abandon de la loi de programmation énergie et climat (LPEC) qui aurait pourtant dû être adoptée avant le 1er juillet 2023. Elle devait à ce titre fixer les niveaux minimal et maximal des obligations d’économies d’énergie pour une période de cinq ans. Elle devait aussi fixer les objectifs de rénovation énergétique dans le bâtiment.
À la place, le Gouvernement a chargé la Commission national du débat public (CNDP), autorité administrative indépendante, d’assurer une consultation sur la nouvelle « programmation pluriannuelle de l’énergie » (PPE). À la suite des mois consacrés au débat public, un décret devrait être publié. Celui-ci serait envisagé pour la fin de l’année, une bonne façon de mobiliser sans mobiliser et de perdre du temps. Les décrets fixant la troisième édition de la Stratégie nationale bas carbone (SNBC) et du nouveau Plan national d’adaptation au changement climatique (PNACC) sont, eux, toujours en attente.
À défaut de ces textes qui auraient déjà dû être adoptés, le Gouvernement doit actualiser malgré lui ses politiques publiques, tandis que l’Union européenne le pousse dans le dos. Le plan national de rénovation, voulu par l’UE, en est un bon exemple.
Des passeports de rénovation des bâtiments
Évoqué depuis de nombreuses années, le passeport doit accompagner les propriétaires de bâtiments souhaitant réaliser des travaux de rénovation énergétique tout au long des différentes étapes pour parvenir à un bâtiment à émissions nulles.
Un bâtiment à émissions nulles est défini comme « un bâtiment à très haute performance énergétique, ne requérant aucune énergie ou seulement une très faible quantité d’énergie, ne générant sur site aucune émission de carbone provenant de combustibles fossiles et ne produisant aucune émission opérationnelle de gaz à effet de serre ou seulement de très faibles émissions ».
La directive sur la performance énergétique des bâtiments contenant déjà une telle mesure en 2021. Elle avait pour objectif d’instaurer des passeports de rénovation, facultatifs, destinés aux propriétaires de bâtiments qui planifient la rénovation par étapes de leur bâtiment. Ce document constitue une feuille de route claire pour la rénovation « en profondeur par étapes », qui aide les propriétaires et les investisseurs à prévoir le meilleur calendrier et l’ampleur la mieux adaptée pour les interventions.
Sur la base d’un cadre commun développé par la Commission européenne avant la fin 2024, les états membres doivent développer cet outil. Des certificats de performance énergétique des bâtiments, qui permettent également de recueillir des données relatives aux passeports de rénovation des bâtiments et des indicateurs de potentiel intelligence.
L’article 10 de la directive prévoyait ainsi qu’au plus tard au 31 décembre 2024 les États membres instaurent un système de passeports de rénovation fondé sur le cadre commun. Il ajoute :
Le passeport de rénovation respecte les exigences suivantes :
- être délivré par un professionnel certifié après inspection ;
- comprendre un parcours de rénovation par étapes ;
- contenir des informations sur les aides techniques et financières ;
- indiquer les avantages attendus : économies d’énergie, baisse des factures, réduction des émissions de gaz à effet de serre, confort, etc.
En France il se rapproche du carnet d’information logement (CIL) qui contient le diagnostic de performance énergétique (DPE) et l’audit énergétique avec son parcours de travaux par étapes. Il conserve aussi la trace des travaux de rénovation effectués.
Aider financièrement les plus vulnérables face aux travaux de rénovation énergétique
En vue de ces nombreux travaux, et conscients que certains locataires pourraient voir le prix de leur loyer ou de leur facture énergétique augmenter, les États membres doivent prévoir des mesures financières appropriées à destination des ménages les plus vulnérables, touchés par la précarité énergétique ou occupant des logements sociaux. À ce titre, des garanties devront être mises en place contre les risques d’expulsion de ménages vulnérables incapables de faire face à des augmentations de loyer disproportionnées à la suite d’une rénovation thermique.
Ici, MaPrimeRénov’ comme les Certificats d’économies d’énergie (CEE) feront donc parfaitement leurs offices. Depuis le 1er janvier 2020, MaPrimeRénov’ est devenue la principale aide de l’État à la rénovation énergétique ; elle a fait l’objet d’une refonte depuis 2023. Tous les propriétaires occupant ou bailleurs ainsi que les copropriétés, peuvent en bénéficier. Les CEE sont eux accessibles sans condition de ressources concernant de nombreux types de travaux. Ces aides permettent, lorsqu’elles sont bien combinées, de prendre une part substantielle du coût des travaux.
Selon l’Observatoire national de la rénovation énergétique, en France, 15,7 % du parc immobilier français, soit environ 6,6 millions de logements seraient des passoires énergétiques, classées F ou G au DPE. Le chantier européen est donc vaste mais nécessaire.
Le secteur du bâtiment, et singulièrement des acteurs de la rénovation énergétique, peut percevoir cette nouvelle directive comme favorable puisqu’elle devrait participer à augmenter de façon significative le nombre de travaux. Si elle sera une impulsion supplémentaire pour réaliser l’un des plus grands chantiers climatiques qui est celui du bâtiment, la France devra dépasser les objectifs fixés tant ils sont faibles. Selon la Commission européenne, les bâtiments de l’UE sont responsables de 40 % de la consommation d’énergie et de la production de 36 % des émissions de gaz à effet de serre (GES). Elle observe également que près de 75% du parc immobilier n’est pas efficace sur le plan énergétique, mais que le taux annuel moyen de rénovation énergétique avoisine à peine 1%. Il y a donc urgence.
La directive doit toutefois d’abord être approuvée par le Conseil avant sa transposition.