Aujourd’hui, le Symbiote a transmis par courrier à la Directrice générale de l’énergie et du climat (DGEC), du Ministère de la Transition énergétique, sa position concernant le projet d’arrêté portant sur la rénovation d’ampleur des maisons individuelles et des appartements dans le cadre du dispositif des certificats d’économies d’énergie (CEE).
Après avoir pris connaissance du projet d’arrêté qui s’inscrit dans la réforme de la rénovation énergétique voulue par le Gouvernement pour 2024, le syndicat Symbiote, qui représente tous les professionnels de la rénovation (installateurs, bureaux de contrôles, d’audit, d’études, maitres d’œuvre, industriels, mandataires et délégataires, etc.), souhaite contribuer de façon proactive au travail réglementaire, en formulant des propositions constructives émanant du terrain. Faisant le choix de la transparence, le syndicat Symbiote rend ici publiques ses positions et recommandations.
Dans le cadre de ce courrier, le Symbiote a tout d’abord souhaité manifester tant son étonnement que sa désapprobation à l’endroit du fait qu’aucune concertation sur ce projet d’arrêté, ni dans le cadre du Comité de pilotage des CEE ni au sein de l’ATEE, n’a été organisée. Il paraît regrettable que toutes les parties prenantes ne soient pas a minima consultées alors que cet arrêté constitue un changement de paradigme pour l’ensemble du secteur de la rénovation des logements. Cette absence de consultation constitue une tendance de fond que le Symbiote déplore.
Le syndicat a ensuite fait part de son inquiétude concernant plusieurs points :
- La date de mise en application ne laisse aux acteurs aucun temps d’adaptation et de modification de modèle économique des entreprises ni d’information vis-à-vis des particuliers. Ceci est d’autant plus grave que le nombre de rénovations de haute performance à réaliser est important. Il est certain que dans un tel contexte, la mise ne place des nouvelles dispositions et de changement de système vont se traduire par une année blanche pour les entreprises tandis que le secteur du bâtiment est déjà très fragilisé du point de vue économique.
- Pour atteindre les objectifs, le nombre d’accompagnateurs rénov’ (MonAccompagnateurRénov’ (MAR)) doit être de plusieurs milliers. Or, le nombre annoncé pour le début de l’année 2024 par le Ministère de la Transition énergétique – 2 000 – paraître déraisonnablement bas. Il semble donc illusoire de penser que les dossiers seront traités dans les délais compatibles avec l’activité des entreprises.
Le syndicat a enfin fait part de ses recommandations et analyse :
- Le système des CEE était efficace car le délégataire rétribuait l’entreprise dès l’enregistrement du dossier. Or, dans le nouveau système, tel que pensé par les autorités, la prime est perçue par le bénéficiaire à l’issue de travaux. Il lui revient ensuite dans un second temps de payer les entreprises. À l’heure actuelle, l’Agence nationale de l’habitat (ANAH), qui gère le dispositif de MaPrimeRénov’ (MPR) accuse plusieurs mois de retard dans le versement de MPR après la réalisation des travaux. Par effet de ricochet, les entreprises devront donc attendre de nombreux mois avant d’être payées par les bénéficiaires. Or, certaines n’ont pas la capacité financière de supporter une telle attente. De la sorte, il est fort probable qu’elles ne s’engageront pas facilement dans les travaux gérés par l’ANAH. Avoir supprimé le recours aux délégataires est probablement la disposition la plus impactante et négative pour toute la filière avale. Ainsi, le syndicat est très inquiet de voir que l’ANAH aura la charge à 100% de la rénovation globale des maisons individuelles et des appartements en tant que résidence principale tandis que les difficultés de gestion ne sont toujours pas soldées. Afin d’éviter que le dispositif ne se grippe, empêchant la massification des rénovations globales et performantes, le Symbiote avait suggéré que seuls les ménages très précaires et précaires relèvent de l’ANAH, y compris sur la partie des CEE, et que les autres ménages continuent d’être sous le régime du dispositif des CEE tel qu’il existe.
- Après avoir fait des simulations de calcul de primes avec les valeurs forfaits proposées dans ce projet d’arrêté, force est de constater que les rénovations d’ampleur, y compris pour les ménages très précaires, ne seront pas pris en charge à 100%. Plus encore, un reste à charge conséquent subsistera pour les futurs bénéficiaires. Pourtant l’ensemble de tous les acteurs (industries, ONG, filière avale…) ont fait des propositions pertinentes depuis plus de deux ans pour obtenir un montant d’aides cumulées CEE et MaPrimeRénov’ (MPR) qui soit à la hauteur de l’enjeu avec un reste à charge minimal. Aussi le syndicat recommande-t-il que les propositions de bonification prévues par l’arrêté soient rectifiées pour espérer engager les particuliers dans la rénovation de leur maison. Les coefficients prévus pour la bonification devraient être respectivement de 3,5 et 3 au lieu de 1,5 et 2 prévus. Pour mémoire, le coup de pouce avait déjà été revu à la baisse et plafonné pour obtenir des montants d’aides adéquats. Ainsi l’alignement de la méthodologie de calcul entre MPR et CEE, que le Symbiote salue, ne devrait pas impacter le montant en KWhc. En d’autres termes, une équivalence des résultats des forfaits CEE bonifiés pourrait être retrouvée grâce à des coefficients bonifiés rehaussés.
- Par ailleurs, il aurait été logique de retenir la bonification prévue par l’arrêté écrêtement des CEE paru cet été car elle permet effectivement de laisser un reste à charge faible qui déclenche la volonté de travaux. En outre, les très faibles montants de kWhcumac ne sont pas compréhensibles au vu de l’obligation des obligés. En l’état, si les valeurs de bonification ne sont pas modifiées, cet arrêté se traduira par un frein sur les rénovations.
- Du point de vue de la performance des actions d’isolation, l’arrêté n’est pas aligné sur l’arrêté BBC Rénovation ce qui entraine une difficulté supplémentaire alors que depuis plusieurs années un effort a été mené pour un alignement entre les textes réglementaires. Le syndicat suggère que les valeurs de résistances thermiques retenues soient celles de l’arrêté BBC Rénovation pour les combles, terrasses, isolations thermiques par l’extérieur (ITE) et planchers à l’exception de la résistance pour les murs en isolation thermique par l’intérieur (ITI) pour ne pas exclure les isolants biosourcés.
- La fiche BAR-TH-175 est dédiée aux appartements, les seules actions pouvant être menées hors décisions de copropriété sont donc celles de l’isolation par l’intérieur des murs et les changements de fenêtres. Les autres actions comme l’isolation des combles, des planchers, ITE relèvent de travaux sur les parties collectives et non privatives. Il en découle que cette fiche sera une fiche monogeste en isolation et ne pourra pas être appliquée dans la réalité. Par ailleurs la fiche monogeste des isolations existe déjà BAR-EN-102. Il faudrait donc réinterroger la pertinence de la création de cette nouvelle fiche.
- Concernant les contrôles des audits et contrôles des travaux, l’arrêté renvoie aux dispositions prises par l’ANAH. Or, l’ANAH ne prévoit qu’un faible taux de contrôle administratif par sondage (10%) ce qui va à nouveau provoquer une hausse des fraudes systémiques. Le syndicat exhorte le Ministère a imposé que le taux de contrôle soit à la même hauteur que celui en vigueur pour la fiche BAR-TH-164 coup de pouce afin que la fraude continue d’être jugulée.
- Enfin, le syndicat recommande depuis mars 2023 que tous les documents soient horodatés, géolocalisés sans possibilité de modification, afin de limiter l’écodélinquance. L’arrêté pourrait utilement prévoir une telle disposition.
C’est pour l’ensemble de tous les points évoqués dans la présente lettre que le Syndicat aurait souhaité qu’une vraie concertation entre les acteurs de la rénovation et les pouvoirs publics soit menée. Cette réunion permettrait de prendre en compte la réalité technique et économique du secteur de la rénovation. Elle permettrait également d’éviter les changements brutaux, sources de déstabilisation de la filière. En effet, de telles modifications réglementaires et de leurs modalités pratiques sont dans le secteur légion, de sorte que les entreprises peinent a se structurer de façon pérenne. Ces mouvements permanents entraînent la disparition de certaines entreprises, qui n’ont pas la capacité de rebond suffisante. Les autres doivent sans cesse être alertes, ce qui entraîne une crispation et méfiance.