Les dernières modélisations faites par la Direction générale de l’énergie et du climat (DGEC) sont claires, la France ne parviendra pas à atteindre l’objectif de réduction de 55 % des émissions de gaz à effet de serre (GES) pour 2030 par rapport à 1990. Or, le bâtiment est l’un des secteurs les plus polluants puisqu’il représente 23 % des émissions de GES en France. Principale mise en cause : les chaudières à gaz des 12 millions de foyers. Conscient de cette problématique, le Gouvernement a tenté de ménager la chèvre et le chou… au détriment du climat.
OBJECTIF DE RÉDUCTION DES ÉMISSIONS DE GAZ À EFFET DE SERRE NON-ATTEINT, L’UNE DES CAUSES : LES CHAUDIÈRES À GAZ
La France ne pourra pas atteindre son objectif, même si elle fournit des efforts considérables jusqu’en 2030. La Direction générale de l’énergie et du climat (DGEC), dans un document interne, a identifié l’une des causes : la déforestation. La chute des puits forestiers empêche l’absorption de l’intégralité des émissions résiduelles.
La situation est telle que l’objectif 2050 semble lui aussi illusoire. L’Administration ne souhaite d’ailleurs pas taire le sujet, au contraire, elle espère que ce triste constat remobilisera tous les acteurs. Car elle doit réaliser une troisième et dernière modélisation, attendue courant 2024, qui permettra de finaliser le projet de stratégie nationale bas carbone (SNBC).
Une autre cause à cet échec a été identifiée : les chaudières à gaz, encore essentiellement alimentée par du gaz naturel. Les chaudières représentent 20 GWh de consommation d’énergie par an et occupent, selon UFC-Que Choisir 12 millions de foyers en France (5 millions en maisons individuelles, 3,5 millions en logements collectifs avec chauffage individuel et 3,5 millions en chauffage collectif), soit au total, 40 % des ménages.
Si le Gouvernement voulait initialement interdire l’installation de nouvelles chaudières à gaz, il a dû faire marche arrière. Cependant, ce choix politique a un coût climatique. Selon la DGEC : la surproduction de 3 millions de tonnes de CO₂ en 2030. Par conséquent, les objectifs fixés par la Directive européenne sur l’efficacité énergétique ne peuvent être tenus.
DES AIDES EN DIRECTION DE LA DÉCARBONATION DU CHAUFFAGE
Comme l’évoque le média Contexte dans un article en date du 20 novembre 2023, le Gouvernement a finalement préféré tabler sur une « incitation à la décarbonations via les aides [et] le prix du carbone » et particulièrement par la suppression des aides publiques et privées d’installation de chaudières à gaz.
Pour mémoire, les aides pour les chaudières au gaz ont progressivement été supprimées :
- Le Coup de Pouce Chauffage du dispositif des certificats d’économies d’énergie (CEE) qui soutenait les ménages dans la pose d’une chaudière à gaz à très haute performance énergétique (THPE) — notamment les projets de remplacement d’équipement fonctionnant au fioul — a pris fin le 1ᵉʳ juillet 2021 ;
- L’arrêté du 4 octobre 2023 a exclu les chaudières à gaz du dispositif des CEE et ce depuis le 1er janvier 2024. En effet, le nouvel arrêté a supprimé la fiche BAR-TH-106 « Chaudière individuelle à haute performance énergétique ». En clair, l’installation d’une chaudière individuelle, quelle que soit sa performance, ne donne désormais plus droit aux CEE. Autrement posé, les particuliers peuvent toujours installer un chaudière à gaz, mais il ne bénéficiera d’aucune aide financière.
- MaPrimeRénov’ a cessé de financer l’installation de chaudières à gaz depuis le 1ᵉʳ janvier 2023. Par ailleurs, le bonus MaPrimeRénov’ de 1 000 euros permettant de convertir sa chaudière au fioul ou au gaz a également été supprimée depuis le 1ᵉʳ avril 2023.
De plus, conformément à la réglementation environnementale RE2020, qui entend accélérer la décarbonation du secteur du bâtiment, les chaudières à gaz ne peuvent plus être installées dans les bâtiments et logements neufs depuis le 1er janvier 2022. Les logements collectifs neufs devraient quant à eux être concernés par cette interdiction en 2025. Pour l’heure, 70 % des copropriétés sont au gaz.
Dans cette droite ligne, depuis juillet 2022, l’installation de nouvelles chaudières au fioul est proscrite, y compris dans les logements existants.
Enfin, pour le moment aucune « obligation de remplacement » des chaudières à gaz n’est imposée aux Français. Si un plan de retrait est finalement mis en place, il sera nécessairement progressif.
POMPE À CHALEUR, CHAUDIÈRE BIOMASSE ET RÉSEAU DE CHALEUR URBAIN MAIS PAS D’ÉLECTRIQUE
Pour réduire la production de GES, le parc des 12 millions de chaudières à gaz devrait diminuer de 20 % avant 2030. L’accent est mis sur la pause de pompe à chaleur (PAC). Pour cela toutefois, il faut que la filière soit opérationnelle, ce qui ne semble pas être encore le cas.
L’arrêté du 4 octobre 2023 a supprimé la fiche BAR-TH-104 « Pompe à chaleur de type air/eau ou eau/eau » de la liste des fiches standardisées, mais a créé dans le même temps deux nouvelles fiches, pour mieux distinguer le type de PAC mise en œuvre (BAR-TH-171 « Pompe à chaleur de type air/eau » et BAR-TH-172 « Pompe à chaleur de type eau/eau ou sol/eau »).
Publié le même jour, un second arrêté du 29 septembre 2023 est également venu prolonger et modifier les programmes ACTEE 2, ACTEE + et SARE qui servent à financer les projets d’efficacité énergétique pour les bâtiments publics et à accompagner les ménages dans la rénovation énergétique.
Ainsi, des aides publiques et privées sont mises à la disposition des foyers pour les inciter à remplacer leur chaudière à gaz après en avoir fait la promotion depuis 2012. En font partie les CEE, MaPrimeRénov, la TVA à 5,5 %, les aides des collectivités territoriales ou encore le chèque énergie pour les 20 % des foyers les plus modestes. Les Français peuvent également avoir recours à l’éco-prêt à taux zéro (éco PTZ).
Par ailleurs, le fonds vert géré par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) soutient le développement de la production renouvelable de chaleur (réseaux de chaleur, biomasse, géothermie, solaire thermique, méthanisation, récupération de chaleur fatale). Le fonds devrait être abondé à hauteur de 2,3 milliards d’euros en 2030, avant de se stabiliser à 1,6 milliard d’euros « à horizon 2035 ».
En effet, 38 % de chaleur consommée en France devra être d’origine renouvelable à l’horizon 2030 et la production de chaleur devra être décarbonée à 100 % en 2050. À ce titre, la DGEC projette un mix électrique à 30 % nucléaire et 70 % renouvelables en 2050.
La filière doit ainsi s’adapter en proposant des alternatives techniques, comme la pompe à chaleur, la chaudière biomasse, le chauffe-eau solaire, ou le réseau de chaleur urbain. À ce titre, les spécialistes recommandent cette dernière option car l’efficacité et la sobriété énergétique ne doivent pas être pensées par logement ou parcelle mais bien dans un ensemble. Cette alternative est déjà largement répandue dans le nord et dans l’est de l’Europe.
Par ailleurs, la pose de chauffage électrique n’est pas encouragée avec la nouvelle réglementation RE2020 pour éviter l’effet Joule. L’électrique est donc davantage encouragé comme solution alternative, d’appoint, en sus d’un autre mode de chauffage à énergie renouvelable (pompe à chaleur ou chauffage solaire par exemple).
En tout état de cause, il est probable que la flambée des prix du gaz ait eu un impact non négligeable sur le déclin des chaudières à gaz. Ce phénomène s’observe d’ailleurs depuis quelques années. Ainsi le syndicat professionnel Uniclima constate une chute brutale des chaudières à gaz et au fioul depuis 2022 (-30 %). Cette année-là, 500 000 équipements ont été vendus contre 715 000 en 2021. Si une telle augmentation est amenée à se poursuivre, tout porte à croire que les consommateurs se détourneront des chaudières à gaz.