En parallèle de la Commission d’enquête du Sénat portant sur l’efficacité des politiques publiques en matière de rénovation énergétique, par laquelle le Symbiote a été auditionné, se tenait une Mission d’information sur le même sujet à l’Assemblée nationale.
Le 4 octobre, les Commissions des affaires économiques et celle du développement durable de la Chambre basse du Parlement examinaient le rapport de la mission d’information. Présenté par Jean-Louis Bricout, Julies Laernoes et Marjolaine Maynier-Millefert (Président et co-rapporteures du rapport), ce dernier comporte 39 propositions.
Parmi les propositions et recommandations, celles de réduire au maximum le reste à charge pesant sur les ménages et de massifier les rénovations. À cet égard, l’Agence nationale de l’habitat (ANAH) devrait ainsi passer de 66 000 rénovations globales annuelles de résidences principales à 900 000 à horizon 2030. Sur ce point, le rapport insiste sur le fait qu’il ne faut pas laisser sur le bas-côté les habitations à loyers modérés et allouer aux organismes HLM une enveloppe dédiée. Plus encore, les députés estiment qu’il faudrait consacrer en 2023 14 milliards d’euros de plus qu’actuellement car 95% du parc du logement français doit être rénové d’ici 2050. Ils découragent également les autorités à repousser les échéances déjà fixées, notamment à propos des passoires thermiques. En tout état de cause la rénovation énergétique doit rester un objectif prioritaire dans la lutte contre le dérèglement climatique car le bâtiment représente 18% des gaz à effet de serre.
À ce propos, la priorité ne doit pas être donnée, selon le rapport, aux modes de chauffage comme les pompes à chaleur, même si générateurs d’emplois, mais sur l’isolation – pour lequel le secteur est déjà bien structuré. Ce choix stratégique et logique d’un point de vue thermique, permettrait en outre de mettre l’accent sur la réduction de la consommation d’énergie. Il répond, en outre, au paquet énergie-climat qui se fonde sur trois milliers : réduire les émissions de gaz à effet de serre, réduire la consommation énergétique européenne et accroître la part d’énergies renouvelables dans la consommation d’énergie totale.
Le syndicat Symbiote avait été auditionné le 11 mai à l’Assemblée nationale par le président de la Mission d’information Jean-Louis Bricout. Il se félicite que ses propositions, toutes au service de l’intérêt général, aient suscité l’adhésion. À cet égard, les députés encouragent à mettre en place une banque spécialisée dans la rénovationqui permettrait de réduire au maximum le reste à charge pour les ménages modestes non en mesure d’investir des milliers d’euros dans des travaux de rénovation énergétiques.
L’accès facilité à l’éco-prêt à taux zéro (Éco PTZ) est aussi recommandé, dont la durée a récemment été prolongée jusqu’en 2027. Les banques n’appliquant pas une politique volontariste sur ce sujet, le rapport préconise de fixer des obligations chiffrées aux établissements bancaires. La proposition formulée par le syndicat d’accorder des avances sur travaux, fixés non pas sur la valeur du bien et non les ressources du ménage, a également été retenue. Enfin, les ménages pourront aussi s’appuyer sur leur Plan d’épargne logement (PEL) pour réaliser des travaux de rénovation énergétique. Cette possibilité a été annoncée en juillet par le Ministre de l’Économie Bruno Lemaire à la suite de la tenue du comité de financement de la transition écologique (CFTE).
Revenant sur la visibilité des différents dispositifs d’aides à la rénovation énergétique et sur interlocuteurs pléthoriques, le rapport propose de créer « un véritable service public de la rénovation », l’ANAH ne semblant pas en mesure d’incarner cette fonction.
Autre proposition du Symbiote retenue par la Mission d’information : la nécessaire révision du label « Reconnu garant de l’environnement » (RGE). L’objectif ? Le rendre plus exigeant, notamment par l’établissement d’un ratio de salariés qualifiés dans l’effectif de l’entreprise.
De la même façon concernant les diagnostics de performance énergétique (DPE), les modes de calcul doivent être stabilisés et la formation des diagnostiqueurs doit être revue afin d’harmoniser les pratiques. Il ressort en effet de la mission deux problèmes majeurs : d’une part, une mauvaise appréhension dans la méthode de calcul appliquée depuis 2021 de certains espaces des petites surfaces et des bâtiments historiques ; d’autre part, les données exploitées par les diagnostiqueurs, ainsi que des disparités dans leurs méthodes de calcul et les diligences qu’ils accomplissent. Une proposition de loi à d’ailleurs récemment été déposée en ce sens au Sénat.
Concernant plus spécifiquement les certificats d’économies d’énergie (CEE), le rapport constate la grande méconnaissance des ménages français. Les députés recommandent ainsi de déployer un véritable plan de communication, ambitieux, afin de le faire connaître.
D’un point de vue plus technique, les critiques du Symbiote adressées à l’endroit du couplage MaPrimeRénov’ (MPR) et les CEE ont pareillement été entendues. Les critères techniques doivent être rapprochés pour que les travaux puissent bénéficier simultanément de ces deux aides.
De la même façon, la Mission d’information a entendu la critique concernant le mode de calcul des économies d’énergie effectivement réalisées. S’il repose actuellement sur des kilowattheures cumac, qui corresponde à des moyennes théoriques, il doit évoluer afin de prendre en compte les économies réelles. Dans ce domaine, la recherche avance et pourrait aboutir à court terme à des procédés susceptibles d’objectiver l’efficacité des prestations en matière de rénovation énergétique. Le rapport fait état de l’un des projets portés par le Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB) et l’Agence qualité construction dans le cadre du programme Profeel : le projet Sereine. Celui-ci donne la possibilité de déterminer, vingt-quatre heures après l’achèvement d’un chantier, la performance énergétique des travaux réalisés pour une maison individuelle. L’outil est actuellement en cours de développement pour l’habitat collectif de 1 000 mètres carrés.
Cette évolution va dans le sens des attentes européennes, qui consiste à passer d’une obligation de moyen à une obligation de résultat. Cette exigence doit d’autant plus être entendue que les CEE représentent entre 4 et 5 milliards d’euros par an.
Si le rapport de la Mission d’information de l’Assemblée nationale est aligné avec le rapport rendu par la Commission d’enquête du Sénat présidée par Dominique Estrosi-Sassone, il revient sur la nécessité de coucher sur le papier les objectifs et directives sur un plan pluriannuel. Ce plan pluriannuel, qui devrait se trouver dans la loi de programmation énergie climat, et qui se fait attendre depuis cet été, permettrait de donner de la visibilité au secteur de la rénovation énergétique qui en manque cruellement.
La filière pourrait ainsi se structurer, et les 150 000 emplois menacés par la crise de la construction neuve pourraient sans doute être ventilés pour partie et certains opérateurs pourraient monter en compétence.