Face à de multiples urgences (diplomatique, énergétique, environnementale notamment), l’Union européenne a adopté des mesures aux temporalités différentes et complémentaires. Après la pandémie mondiale et l’invasion de l’Ukraine, qui a poussé l’Union européenne (UE) à questionner sa dépendance vis-à-vis des importations de matières premières et la robustesse de la solidarité européenne, l’UE a aussi dû faire évoluer sa politique énergétique. Une fois le prononcé de sanctions diplomatiques dans le secteur de l’énergie, la Commission européenne a ainsi présenté en mai 2022 son nouveau plan d’action « REPowerEU ». Celui-ci vise notamment à gagner en indépendance énergétique vis-à-vis du pétrole, du charbon et du gaz russe. Mais le plan ne se contente pas de répondre à l’impératif de sécurité énergétique puisqu’il a aussi pour objectif d’accélérer la transition énergétique amorcée par le Green Deal de 2019.
L’UE se place ainsi à l’avant-garde de la lutte contre le dérèglement climatique depuis la conclusion de l’Accord de Paris sur le climat en 2015.
Plus précisément, quatre objectifs sont ainsi visés :
⁃ produire une « énergie propre » ;
⁃ réaliser des économies d’énergie ;
⁃ diversifier les sources d’approvisionnement en énergie ;
⁃ « articuler judicieusement les investissements et les réformes ».
Les 3 premiers se matérialisent par les révisions des directives énergies renouvelables (« RED III » ou « DER III ») et efficacité énergétique (« EED III » ou « DEE III »), déjà programmées dans le plan Fit for 55 en 2021 proposé par la Commission en juillet 2021.
Aussi, le 20 septembre dernier est parue au Journal officiel de l’Union européenne la directive 2023/1791 relative à l’efficacité énergétique (« DEE III ») adoptée définitivement le 13 septembre dernier. Elle constitue donc l’un des éléments du « paquet changement climatique » (« Paquet Climat ») ou « Fit for 55 » renforcé par le plan REPowerEU. Elle est la révision de la directive relative à l’efficacité énergétique de 2012 modifiée en 2018. Les dispositions de la DEE III entreront officiellement en vigueur le 10 octobre 2023 et devront être transposées par l’ensemble des États membres d’ici à octobre 2025.
Si le texte prévoit la réduction de la consommation d’énergie 11,7 % d’ici 2030 par rapport à 2020 – ce qui équivaut à -30 % par rapport à la consommation finale de 2012 – il prévoit également d’importantes économies d’énergie.
Tandis que l’obligation était de 0,8 % d’économie d’énergie finale annuelle, celle-ci est désormais fixée par palier :
• 1,3 % sur la période 2024-2025 ;
• 1,5 % sur la période 2026-2027 ;
• 1,9 % sur la période 2028-2030.
Ce qui, traduit à l’échelle de la France, implique une réduction de respectivement 22, 25 et 32 TWh.
Avec ce scénario de référence actualisé, l’Union devra encore relever son ambition en matière d’efficacité énergétique d’au moins 11,7 % en 2030 par rapport au niveau des efforts consentis dans le cadre du scénario de référence de l’Union de 2020. La nouvelle manière d’exprimer le niveau d’ambition en ce qui concerne les objectifs de l’Union n’a pas d’incidence sur le niveau réel des efforts nécessaires et correspond à une réduction de 40,5 % pour la consommation d’énergie primaire et de 38 % pour la consommation d’énergie finale par rapport aux projections pour 2030 du scénario de référence de l’Union de 2007.
S’agissant particulièrement de rénovation énergétique, la Commission européenne avait publié en octobre 2020 une stratégie ayant pour objectif de doubler les taux de rénovation jusqu’en 2030 et s’assurer que les rénovations ainsi réalisées participent effectivement à une meilleure utilisation des ressources et des énergies. Cette stratégie, appelée « Une vague de rénovations pour l’Europe : verdir nos bâtiments, créer des emplois, améliorer la qualité de vie », s’appuie sur les mesures convenues dans le cadre du paquet « Une énergie propre pour tous les Européens », à savoir notamment l’obligation pour chaque État membre de publier une stratégie nationale de rénovation des bâtiments à long terme ainsi qu’un plan national en matière d’énergie et de climat.
En France, les deux principaux leviers actuels d’économies d’énergies en matière de rénovation énergétique sont le dispositif de MaPrimeRénov’ (« MPR »), dont la gestion revient à l’Agence nationale de l’habitat (l’ANAH), et le dispositif de certificats d’économies d’énergie (CEE). L’intensification des objectifs européens a d’ores et déjà eu une répercussion sur ces derniers.
Le dispositif MPR’ fait actuellement l’objet d’une refonte afin de l’optimiser. Le Gouvernement a néanmoins annoncé fin septembre la hausse de budget MPR’ de 1,6 milliard d’euros en 2024 ; l’enveloppe devant passer à 2,4 milliards à 4 milliards d’euros. L’objectif est notamment de permettre la rénovation dite d’« ampleur » (ou « en profondeur » selon les termes européens) de 200 000 logements par an, hissant à 900 000 rénovations dites « ambitieuses » pour 2030, ce qui devrait participer à atteindre l’objectif européen.
De son côté et sans attendre la transposition, la Direction générale de l’énergie et du climat (DGEC) a proposé une rehausse du niveau d’obligation du dispositif des CEE pour l’année 2025 (+400 TWhc) ainsi qu’un doublement de l’objectif à 1 600 TWhc/an pour la 6ème période du dispositif (2026-2030). Pourtant, l’on parle déjà d’un surplus de TWhc chiffré à plusieurs milliers. Cette crainte de reliquat se renforce désormais puisque le Ministère de la Transition énergétique a annoncé le 12 octobre que l’ANAH allait gérer et valoriser elle-même les CEE des rénovations globales des logements. En pareille hypothèse, et compte tenu du dimensionnement actuel de cette agence, le risque est que l’objectif fixé par la DGEC pour 2025 ne soit pas être atteint, tout comme les suivants.
Par ailleurs, le texte vise également la rénovation des bâtiments publics. Ces derniers sont responsables d’environ 40 % de la consommation totale d’énergie et de 36 % des émissions de GES de l’Union européenne. Parallèlement, seul 0,2 % du parc immobilier fait l’objet de rénovations énergétiques en profondeur.
Aussi le secteur public doit-il se montrer exemplaire en matière de réduction de la consommation d’énergie puisqu’elle doit atteindre 1,9 % par an par rapport à 2021, ce qui représente au moins 3 % de la surface au sol totale des bâtiments chauffés et/ou refroidis appartenant à des organismes publics chaque année. L’objectif est ainsi de transformer les bâtiments publics énergivores en bâtiments à émissions nulles ou quasi nulles (« NZEB » – Nearly Zero Energy Building) ou en bâtiments à émissions nulles (« ZEB »). À noter toutefois, les transports publics et les forces armées bénéficient de dispositions transitoires, cette exigence sera ainsi applicable dans quatre ans.
La future loi de programmation sur l’énergie et le climat devra donc intégrer ces nouveaux objectifs. Or celle-ci pourrait ne pas être débattue avant 2024.